Impressions d'un paysagiste sur Fontevraud

Les jardins de Fontevraud
Revue de l'abbaye royale de Fontevraud n°2
été/automne 2002

IMPRESSIONS DE PASCAL CRIBIER, PAYSAGISTE
Le paysagiste Pascal Cribier nous livre ses impressions.

Terrasses de l'abbesse au printemps ©A-S.A.

Les murs, dans l'enceinte de l'abbaye, sont une caractéristique essentielle du monument. L'histoire du lieu est structurée par les vestiges de ces anciennes barrières physiques qui séparaient les individus les uns des autres, tantôt les moines des moniales, tantôt les détenus des surveillants. Mais présents sous forme de fragments, ces murs ne permettent pas toujours une lecture claire et évidente des lieux et de leurs fonctions. On pourrait, par l'intermédiaire du végétal et de parcours organisés dans les jardins, restituer l'idée de clôture et donner au visiteur le sentiment qu'existaient bel et bien des frontières au sein de cet espace. Il serait bon de redonner une cohérence aux lieux, grâce aux jardins, et de faciliter la lecture des évolutions historiques qui se sont produites dans l'enceinte de l'abbaye.

A l'heure actuelle, les jardins n'incitent pas suffisamment le visiteur à s'interroger sur 'organisation spatiale de l'endos monacal. Ce dernier se compose de bâtiments aux dimensions monumentales et d'une multitude de jardins et d'espaces cultivés clos. Si le repérage des bâtiments monastiques est relativement aisé, en revanche, 'identification des autres espaces - fragments de murs isolés, allées et chemins menant d'un lieu à un autre, enclos aménagés - est beaucoup plus délicate. En ayant recours à une multitude de végétaux et de fleurs différentes, en jouant sur les variations de couleur des feuillages et des floraisons, l'on pourrait suggérer les différentes strates temporelles du monument. L'utilisation répétitive des végétaux permettrait de signifier l'identité de chaque lieu et de structurer la promenade à travers le temps et l'espace.
Il ne suffit pas de mettre en valeur la monumentalité des bâtiments monastiques en aménageant des espaces verts alentour. Il faut contrebalancer le relatif dénuement de l'endos abbatial, aujourd'hui, en restituant, par les espèces végétales, 'impression de fragmentation de l'espace qui a constamment caractérisé son histoire. Il faut considérer le jardin non plus comme un écrin autour d'un joyau architectural, mais bien comme un mode de structuration et d'aménagement de l'espace. Loin d'aplanir l'environnement, les espaces paysagers doivent recréer une partition géométrique, à l'intérieur de l'endos monacal.


GLOSSAIRE

Ramage (usage du) : droit de ramasser les branches et rameaux délaissés. On pouvait ainsi confectionner des haies de fortune, protégeant les cultures des renards, lapins et chevreuils.

Sainfoin : plante à feuilles rouges pu Jaunâtres, herbacée, cultivée comme fourrage.

Sarcloir : outil servant à arracher les racines, notamment des mauvaises herbes.

Scion : jeune branche droite et flexible (pousse de l'année, rejet ou rejeton d'un arbre).

Simple : toute plante médicinale. Abréviation de l'expression medicina simplex, opposée a la médecine composée.

Terrasse : levée de terre ordinairement soutenue par un mur et permettant d'offrir une surface plane sur un terrain en pente ou un jardin « suspendu » au-dessus du sol. La terrasse peut être bordée d'une balustrade. Plusieurs terrasses peuvent être reliées par des rampes et des escaliers.

Tinctorial : qui sert à teindre.

Topiaire (art) : désigne l'art de conduire et de tailler arbres et arbustes pour leur donner des formes choisies.

Treillis : clôture ou grillage fait de tiges de fer ou de bois tressées et croisées en forme de filet.

Verger : au Moyen Âge, le terme peut désigner un jardin d'agrément, avant de s'appliquer plus particulièrement à un terrain planté d'arbres fruitiers.