Pascal Cribier, l'alchimiste des jardins

Le MONDE
dimanche, lundi 2 juin 2008


Pascal Cribier, l'alchimiste des jardins
L'architecte-paysagiste présente ses créations à l'espace Electra, à Paris

Jardin sur la côte normande créé en 1982. DR

Paysages

Au moment où se multiplient, en France, les manifestations célébrant les jardins (notamment « Rendez-vous aux jardins », les 31 mai et l juin, sous l'égide du ministère de la culture, dans toutes les régions), Pascal Cribier succède à ses confrères Gilles Clément et Patrick Blanc dans l'espace Electra, vitrine de la Fondation EDF à Paris.
Pascal Cribier est notamment le responsable (avec Louis Benech) de la rénovation des Tuileries, le créateur du jardin Vivendi de Méry-sur-Oise (avec Patrick Blanc), une merveille aquatique aujourd'hui en partie abandonnée. Il a réalisé, par ailleurs, le jardin du Donjon de Vez (Oise) et celui du parc des Hauteurs à Lyon, sans parler de son jardin secret, sur la côte normande, à la fois retraite et laboratoire où il travaille inlassablement depuis plus de vingt ans.
Il est toujours très difficile de montrer dans un espace clos, forcément exigu, des réalisations en,trois dimensions qui 's'étendent nécessairement sur des surfaces importantes et appelées à se modifier au fil des ans. Au rez-de-chaussée défilent d'immenses photos qui évoquent les jardins de Cribier, à toutes les saisons et à plusieurs stades de leur développement. « Du temps long au temps court, le visiteur traverse cette superposition du temps qui peut se lire au
même endroit, au même moment », note Pascal Cribier pour souligner la principale qualité des jardins — la durée.
Mais comment expliquer ce qui sous-tend ces jardins et ces paysages, les obsessions de Pascal Cribier : la qualité des sols, Peau, le drainage, les systèmes racinaires. Au premier étage, une salle, stupéfiante sur le plan esthétique, est une sorte de loupe sur un des aspects du fonctionnement des végétaux, matière première des jardins : celui des différents systèmes racinaires, grâce à de véritables souches dotées de leurs ramifications souterraines.

« Le geste du jardinier est de faire comprendre la. complexité et la.fragilité du vivant », souligne Pascal Cribier. D'où la vogue actuelle des jardins. Mais pour Cribier, il est aussi important de travailler sur l'artifice - un jardin sophistiqué - que sur un espace public, plus neutre et plus banal. Voire sur des zones en déshérence, friches urbaines ou industrielles.
C'est dans le sous-sol que ces travaux, acceptés ou non, sont présentés, notamment à côté du « Jardin des énergies » (Le Monde du 18 juin 2007) qui devait s'installer au pied de la centrale nucléaire de Cattenom (Moselle). Le projet, accepté par la commune, a été retoqué par EDF «pour des raisons de sécurité». « C'est pourtant celui qui me tient le plus à cœur », insiste le paysagiste, qui n'a pas perdu l'espoir de le réaliser un jour.

« Un phénomène social »

A Fives-Lule (Nord), Pascal Cribier a gagné, avec l'urbaniste DjameI Klouche, le concours destiné à réaménager un vieux tissu industriel peuplé de vastes hangars. Certains seront détruits, d'autres réhabilités pour être transformés en logements, bureaux ou lycée. Le tout prolongé, englobé, dans un espace public « vert ». Mais les principaux problèmes,à résoudre ne relèvent pas de la chlorophylle. Ils sont à la fois triviaux, peu visibles et capitaux : récupération dés eaux de pluie salies, traitement du pyralène qui infecte la nappe phréatique située au-dessous, depuis la destruction de l'usine de transformateurs électriques, bombardée en 1942. « Les enjeux sont colossaux, sur le plan social, spatial, économique, écologie que. Notre mode d'intervention ne peut s'en tenir aux modes habituels et à rhabillage pour lequel on nous a appelés, constate Pascal Cribier, les notions de jardin, de nature, de paysage, sont à réévaluer. L'art du jardin tel qu'il se pratique aujourd'hui n'est plus défendable. La haute qualité environnementale, si à la mode, est pensée comité un phénomène social ; on négocie le développement durable comme on négocierait avec un partenaire rétif. Le Grenelle de l'envirpnnement repose sur l'idée qu'il faut un compromis. Fait-on un compromis avec unphénomène physique ? »
EMMANUEL DE Roux

« Pascal Cribier, Les racines ont des feuilles... », Espace Electra, 6, rue Récamier, Paris-?6. Tél. : 01-53-63-23-45 : Du mardi au dimanche de 12 heures à 19 heures, jusqu'au 28 septembre.
« Paysages », conférence de Pascal Cribler et Patrick Ecoutin, pavillon de l'Arsenal, 21, boulevard Morland, Paris-4'. Le mercredi 4 juin à 18 h 30. Tél. : 01-42-76-33-97. .
Sixième édition de Rendez-vous aux jardins. Les 31 mai et 1 juin. Renseignements : www.culture.fr/