Des amis sont allés à Fontevraud en ce début juillet 2011 et ont pris des photos du jardin en l'état. Ce jour-là, il pleuvait et l'herbe venait de subir une période de sécheresse, mais on voit comme les plantes ont poussé et comme les pôts sont encore triomphants dans la pente.
En prime un article de Libération sur le programme des activités de l'Abbaye cet été.
Fontevraud, une cité en marche
Festival . Pour la deuxième année, l’abbaye accueille dans ses murs une série d’événements qui, cette fois, mêlent design, musique et philosophie sur le thème de la promenade.
Faire redécouvrir, entre Chinon et Saumur, l’abbaye de Fontevraud (Maine-et-Loire), cité monastique jusqu’en 1792, puis prison centrale jusqu’en 1985, exigeait l’envie de débroussailler de nouvelles sentes. Car il est aisé d’aller dans le mur (épais) de cette forteresse. Ou de se pétrifier, en se penchant sur la gisante Aliénor d’Aquitaine.
«Tensions». «Il ne s’agit pas pour nous d’animer un patrimoine, rassure Xavier Kawa-Topor, directeur de l’abbaye, mais de faire vivre ce Centre culturel de rencontres comme un laboratoire, en exploitant les innombrables tensions du lieu, sans révisionnisme en ce qui concerne la prison. En reprenant le concept de "cité idéale", tel que le fondateur Robert d’Arbrissel a imaginé, au XIIe siècle, ce monastère qui regroupait hommes et femmes. Pour poursuivre les débats d’idées. En cherchant encore.»
Concrètement, Fontevraud a inventé un rendez-vous de juillet qui n’obéit pas à la recette des manifestations culturelles d’été. Lors de l’inauguration du 25 juin, il était jubilatoire de se faire «dérouter».
Après «A table» l’été dernier, c’est «En marchant» qu’est repensée la «cité idéale» de 2011, en insistant sur le sens de la promenade, à pied, sur l’espace, le silence - autant de jeux de pistes et de réflexions. On peut arpenter le monument avec la designer Matali Crasset, qui vient d’y créer la signalétique. Dans cette miniville dense, il est inévitable (et conseillé) de se perdre parmi les (dix) siècles, les abbayes et les cloîtres, cours et communs, jardins et chemins, pentes et portes… Avec des signes en aluminium, loin de la pierre de tuffeau, la créatrice joue de ce dédale.
Une entrée-accueil clarifiée, sept couleurs pour identifier sept quartiers historiques, un réseau discret de lignes, d’arches, de tables d’orientation, permettent de découvrir le nouveau bar à vins Aliénor, l’hôtel Saint-Lazare et la spectaculaire cuisine romane, sans y avoir été «orienté». Ou de dénicher, derrière un porche, une évocation de Jean Genet. Dans Miracle de la rose, il a évoqué ce pénitencier napoléonien.
Dans le cloître principal du Grand Moutiers, la déambulation-méditation prend de la hauteur. L’artiste Vincent Lamoureux a installé là Belvédère(s), un grand huit en bois de 160 mètres de long et 7 de haut. On escalade tranquillement, en moniale aérienne, cette architecture-sculpture douce qui engage le corps autrement et offre des points de vue désacralisés sur fenêtres et détails architecturaux. «C’est comme une suite de ponts vénitiens», savoure une visiteuse.
Qui se sent félin suivra la route d’un chat noir. Ce héros du Carnet de visite, sixièmeantiguide touristique du lieu, a été imaginé par le réalisateur Christian Volckman et le plasticien Raphaël Thierry. Leur matou se glisse dans des endroits inaccessibles au commun : une corniche, le faîte d’un toit… Cette mascotte rend hommage à Julie d’Antin, dernière abbesse de l’abbaye, qui se serait enfuie en 1792 «avec un panier d’où sortaient des miaulements». L’an prochain, c’est le chanteur Gérard Manset qui sera le voyageur du Carnet de visite.
Bulle. De Fontevraud à Tokyo, il n’y a qu’une passerelle : celle de la galerie d’arts graphiques. L’Homme qui marche de Taniguchi Jirô, maître de la bande dessinée japonais, chemine dans les interstices de la capitale nippone. A la fois anonyme et universel, il transmet ses émotions, entre nostalgie et curiosités, dans des paysages urbains dans toutes les nuances de gris. En sortant de cette bulle, c’est la marche des idées qui prend le relais. A la faveur de débats-conférences, l’ethnologue Marc Augé a exprimé les paradoxes de la mobilité dans nos sociétés globalisées, leurs non-lieux et le «Marche ou crève». Le philosophe Frédéric Gros, qui animait une randonnée philosophique, ironise : «On pourrait penser que marcher, ça ne va pas bien loin.» Mais il insiste sur l’exercice spirituel, essentiel, gratuit et, se référant à Platon, dit : «Marcher c’est être plus présent à soi, être l’ami de soi-même» (1).
Ce week-end, Fontevraud propose un autre cadavre exquis de tous les arts de vivre et de penser. D’une balade avec Marc Roger, lecteur public, à un spectacle samedi soir avec Zad Moultaka et Musicatreize, qui voyagera entre deux scènes.
(1) A ce sujet : «Marcher, une philosophie» de Frédéric Gros, Ed. Carnet Nord.